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Anne Laure Sacriste — 2021

À propos...

Wabi-Sabi
une exposition d’Anne Laure Sacriste
du 20 mai au 16 juillet 2021

(dans le cadre du Printemps de l’art contemporain)

La peinture occidentale a beaucoup cherché à représenter le jardin d’Eden : combien de fresques, combien de toiles, combien de tapisseries sont l’objet du "paradis perdu", celui d’avant la chute.
Mais le paradis, celui auquel tout croyant aspire, celui qui concentre tous les plaisirs refusés sur terre, constitue une sorte de point aveugle. Peu d’artistes se sont risqués à en faire le sujet de leur œuvre. Le poète a préféré les paradis artificiels mais ce paradis, celui d’après la mort, il semble comme interdit de représentation.

Anne Laure Sacriste transgresse cet interdit avec ses toiles. Elle défait les ordres, elle joue sur les images des artistes qui l’ont précédé.

On pourrait croire son paradis, celui d’Eve et d’Adam. On sait l’artiste auteur d’une série de nus du couple originel. Et son travail ne questionne–t-il pas en permanence l’origine, la teinte des murs de la caverne, la première couleur une fois que la lumière fut.

On pourrait croire son paradis végétal, agencement infini que l’on croît répétitif si l’on ne prête attention et qui s’avère à mieux y regarder une extraordinaire variation de formes et de couleurs. Sacriste passe de longues heures à tenter de saisir la vérité des feuilles, faisant de ce patient travail de saisie, de ce processus la matière même de son œuvre.

On pourrait croire son paradis un espace ouvert, que nul cadre ne saurait contraindre ou limiter. Pour celle ou celui qui est familier de ses peintures, on sait que Sacriste aime à reprendre d’un tableau à l’autre un motif, à faire de son atelier puis de la salle d’exposition un unique support sur lequel une image unique se déploie.

Mais ce paradis n’est ni virginal, ni végétal, ni ouvert : il est une voûte céleste ; il est sombre et lumineux comme un ciel dégagé, il est encadré par une colonne, on ne peut y entrer, il est vision et seulement vision.

Peut-être, mais l’artiste ne manquera pas de démentir, c’est ainsi que Sacriste pense la peinture, comme un espace que l’on n’atteint jamais, comme un lieu que l’on ne prend jamais, comme une forme d’absolue qui se dérobe.

Le spectateur n’entrera donc pas : sur le seuil, il restera. C’est cela le paradis, une projection que l’on contemple et que l’on ne peut que contempler. Une sagesse sensible, peut-être.

Philippe Artières